Adepte du field recording, Jean-Philippe Renoult enregistre les sons de l’architecture, de la nature, de l’urbain… Pour Bande Originale, il a posé ses micros au parc de la Poudrerie, et dans cet ancien site industriel destiné à la production de poudres et explosifs, il a enregistré les oiseaux.
Vous faites du « field recording ». Somaticae avait déjà évoqué ce procédé dans son interview, quelle en est votre définition ?
Le field recording va du champ à la ville, du bruit à l’humain : c’est l’enregistrement d’un paysage sonore. Il offre une palette très large qui s’oppose à l’enregistrement et à la technique des studios.
Qu’est-ce qui vous intéresse avec cet objet de recherche ?
Pour moi, le field recording est un matériau malléable chargé de poussières, d’histoires et de vies. Cela fait longtemps que je m’y intéresse et j’y reste attaché. Le micro me sert à dessiner des sons, pas à les photographier, c’est mon pinceau.
Il m’arrive souvent d’intégrer au paysage que j’enregistre des sons déjà prélevés, issus d’un autre paysage sonore – injection/réinjection, c’est l’une des constantes de mon travail. Cette intrusion permet à la fois de modifier la perception d’un territoire et de dialoguer avec lui.
Quel territoire a servi à votre travail pour Bande Originale ?
Pour ma pièce, MU avait choisi le parc de la Poudrerie comme terrain d’exploration sonore et l’idée m’a tout de suite séduit [voir son journal de bord tenu pendant l’enregistrement, ndlr]. C’est un parc à l’organisation originale, la nature s’est construite sur des restes industriels et c’est assez rare.
Comment avez-vous procédé ?
Considérant le mode d’écoute géolocalisé propre au dispositif SoundWays, j’ai pensé ma composition comme un storyboard réparti en quatre bulles d’écoute, où les sons se répondraient de l’une à l’autre. Ma composition est intitulée « L’oiseau siffle avec ses doigts ». Paisible d’apparence, elle est néanmoins parsemée d’éléments inquiétants. Le bruit des oiseaux paraît naturel mais il est ralenti pour créer un sentiment de déphasement entre le son de la pièce et le son ambiant du parc.
« L’oiseau siffle avec ses doigts », création de Jean-Philippe Renoult pour Bande Originale, 2014, extrait :
D’où vous vient cette idée d’expérimenter le son, de faire de la création sonore ?
Quand j’ai commencé, je faisais des cassettes pour les potes. Peu à peu, j’ai ajouté une multitude de bruits extérieurs et j’ai bricolé les bandes des cassettes, les découpant et les recollant. Je ne savais pas encore que la musique concrète expérimentait ce genre de technique dans les grands studios de la Maison de la radio depuis le début des années 1950. Aujourd’hui, entre autres, j’élabore des programmes de création sonore. J’enregistre des sons de la rue, du monde, de l’ombre, en les usant et les détournant. Je cherche à utiliser la radio comme un outil de création, pas seulement comme un média. J’intègre l’objet radio dans des installations, par exemple dans mon projet « Tag Audio Loops » qui conjugue art sonore et street art dans de nombreuses villes européennes.
Son site : www.jeanphilipperenoult.com
Application SoundWays à télécharger ici.
Interview : Louise Bonnard ; photo : DR
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