Antoine Capet et un enfant participant à l'atelier Méditerranée à l’école Charles Auray de Pantin en mai 2014. © Julie Crenn-Collectif MU

Antoine Capet : «Révéler une musicalité dans l’autisme»

Artistes, Au programme

Educateur spécialisé, fondateur de la revue « Entrisme » et bidouilleur occasionnel, Antoine Capet explique comment il a lancé Atelier Méditerranée en 2009 avec David Lemoine, chanteur du groupe Cheveu, qui propose des sessions de « brut pop » à des autistes et personnes souffrant de handicaps mentaux, des élèves de l’enseignement spécialisé…

 

Comment a germé l’idée d’Atelier Méditerranée avec David Lemoine ?

Dès les débuts de Cheveu, j’allais beaucoup à leurs concerts. Je trouvais que le groupe de David Lemoine avait un truc un peu « fou-fou », brouillon, et de plus recourait au même type de pédales d’effets que moi. Dans les centres où je faisais des remplacements, je bricolais des sons avec du matériel similaire dans les salles de repos, qui devenaient très bruyantes à cause de moi ! Après avoir envoyé un message au groupe sur Myspace, David m’a dit être intéressé pour voir ce que donnaient les ateliers avec des personnes handicapées et autistes. Il est souvent revenu et s’est montré enthousiaste pour qu’on monte des activités ensemble. David s’est retrouvé en résidence à Mains d’œuvres pour des projets citoyens sur le territoire, leur équipe était parfaitement en accord avec Atelier Méditerranée.

Quelle est la méthode de travail d’Atelier Méditerranée ?

On propose de faire de la « non-musique ». Comment faire jouer de la musique à des jeunes en difficulté d’apprentissage classique (lecture de partitions, mémorisation de structures, trouble du comportement…) ? En tant qu’artistes, c’est également le moyen de tout aplanir vis-à-vis du son, de repartir de zéro, sans hiérarchie musicale, et de se satisfaire de toute source sonore, de répétitions de mots et de n’importe quels sons en révélant une musicalité dans l’autisme.

Nous inventons également des dispositifs pour que chacun puisse jouer sur des instruments parfois simplifiés à l’extrême : raccourcir un manche de guitare, mettre un ampli en face de chaque protagoniste pour représenter ce qu’il se passe sur une table de mixage… Nous avons commencé à bricoler nous-mêmes, puis avons collaboré avec des fablabs [des laboratoires de fabrication numérique, ndlr] notamment Reso-nance de Marseille, pour proposer des activités interactives : un cube qui sonne en fonction du corps mais qui fait aussi de la lumière… Notre but n’est pas d’être des pionniers mais que différentes initiatives essaiment en France. C’est par exemple le cas de Vivian Grezzini, un infirmier psychiatrique à Bourg-en-Bresse qui nous a contactés et qui propose des concerts de grindcore à ses patients.

 

Atelier Méditerranée, reportage au dernier workshop pour BO, au Point Ephémère, le 26 juin :

 

Vous refusez le terme de « musicothérapie », vous avez pourtant constaté des bienfaits pour les jeunes qui participent à vos ateliers ?

Nous ne sommes pas là pour « soigner » l’autisme ou le handicap, mais pour accepter cette différence et parvenir à échanger au moyen de la « brut pop » – un terme qui est né d’une recherche pour retrouver le titre d’un dessin flashy d’un album des Beatles, entre art brut et pop. Les ateliers ont bien entendu des bienfaits, procurent un plaisir à jouer, une ivresse sonore. C’est flagrant avec l’un de nos jeunes, obsédé par les trains et abonné au magazine « Rail Passion », qui met au ralenti les passages des DVD intégrés aux numéros où les trains défilent, pour avoir le son plus longtemps. Ce sont aussi par exemple ces deux jeunes filles qui aiment la drone music bien grasse et font vrombir avec un plaisir affiché une note continue.

Comment avez-vous rencontré le Collectif MU ?

Il y a quelques années, j’avais une revue qui s’appelait « Entrisme ». Le collectif faisait partie des partenaires et nous annoncions leurs événements. Avec l’Atelier Méditerranée, j’avais sollicité Olivier Le Gal pour organiser un concert au Garage MU et il m’a proposé une résidence. Ça correspondait à notre envie de passer à une étape supérieure avec David : si l’on fait des ateliers depuis 2009, ils restaient assez confidentiels. Ce qui devait être une simple résidence chez MU est devenu le collectif Transports en commun : nous voulions multiplier les partenaires et déployer un peu de visibilité.

 

« Banane », disque réalisé dans le cadre de BO lors d’ateliers avec une Clis de l’école Charles Auray de Pantin du 5 mai au 2 juin 2014 (extrait) :

 

La compile « Sur les rails » du collectif Transports en commun (chez Dokidoki) :

 

 Interview : Adrien Pollin ; photo (Antoine Capet et un enfant participant à l’atelier Méditerranée à l’école Charles Auray de Pantin en mai 2014) : Julie Crenn-Collectif MU ; vidéo : Benoît Méry, Sybil Montet, Clémence Reliat (son).

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Le 12 août 2014
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