C’est frais et surprenant, c’est la rencontre de rockers électro et de personnes handicapées mentales ou autistes qui créent ensemble des instruments, de la musique, des expériences sonores. Pour BO, l’Atelier Méditerranée a multiplié résidences, workshops et interventions en classe.
Sur une grande table en bois au Point Ephémère, un jeudi matin de juin, des instruments disposés pour des jeunes autistes, dans le cadre de l’exposition Sur les rails du collectif de musiciens, psychologues et éducateurs Transport en commun. Une adolescente navigue entre le minipiano, les cordes de guitares fixées à l’horizontal, et une bizarrerie faite de câbles reliant des ordinateurs à des bouts de papiers qui s’animent et piaillent : ça pique, ça tape, ça claque, ça sonne, on pleure et on rit.
Quand on demande à David Lemoine, chanteur de Cheveu et militant au décloisonnement des personnes marginalisées (handicapés, SDF, prostitué-e-s toxicomanes…), comment qualifier le style de musique produit par ces expérimentations sonores, il répond en deux mots : « brut pop ». Profitant de la résidence de son groupe au Point Ephémère, il accueille des enfants autistes dans le cadre du projet Atelier Méditerranée. Un projet lancé en 2009 avec Antoine Capet, cofondateur de la revue Entrisme et éducateur spécialisé depuis douze ans, qui repose sur une contraction entre art brut et musique expérimentale. La musique permet une « nouvelle forme de langage » selon la psychologue Lucie Vedel, qui assiste au dernier atelier avant l’exposition et le début de Bande Originale au rez-de-chaussée du Point Ephémère.
Atelier Méditerranée, reportage au dernier workshop pour BO, au Point Ephémère, le 26 juin :
Pas question d’évoquer une quelconque « musicothérapie », il ne s’agit nullement de soigner la folie ou d’apaiser le handicap, au contraire, le principe est plus simple, plus libre aussi : laisser les autistes s’exprimer en son, expérimenter leur expression de manière intuitive et spontanée. L’influence des lectures de Michel Foucault plane dans l’air, sans que le philosophe soit mentionné. En revenir à la découverte et au jeu pour communiquer et se rapprocher, et même ouvrir un champ d’inspiration aux artistes qui « laisse toute la liberté quant aux instruments utilisés, la manière de les utiliser. On essaie de s’effacer le plus possible en intervenant seulement pour éviter qu’ils s’enferment dans une boucle répétitive », dit David Lemoine.
Si l’exploration est réciproque, elle est même double : Anthony Pillette est venu spécialement de Marseille et du fablab LFO Réso-nance pour inventer avec les jeunes présents à l’atelier une manière ludique de faire de la musique, pour impliquer « les gestes du corps plutôt que d’appuyer simplement sur un bouton ».
L’Atelier Méditerranée permet de décloisonner les personnes atteintes de troubles mentaux ou en difficulté scolaire et de jeter des ponts avec le grand public. C’était le cas avec l’exposition en juin au Point Ephémère, qui a été l’occasion d’un concert d’anthologie (le premier en France) du Wild Classical Music Ensemble (ils sont belges et sur cinq musiciens, un seul n’est pas handicapé mental).
Wild Classical Music Ensemble en live le 27 juin au Point Ephémère pour fêter la sortie de la compilation « Sur les rails » :
Ce sera encore le cas ce dimanche 20 juillet avec une croisière live en soirée où sera diffusée, en renfort des prestations de Noyade et Joachim Montessuis, l’œuvre collective « Banane », réalisée avec des élèves de Pantin en difficulté scolaire. De quoi partager un sourire et se comprendre le temps d’un morceau de musique.
« Banane », un disque réalisé dans le cadre de BO lors d’ateliers à l’école Charles Auray de Pantin du 5 mai au 2 juin 2014 (extrait) :
A écouter : la compile « Sur les rails » (Dokidoki) et « Banane Pantin » (Atelier Méditerranée).
—> Croisière live (avec aussi Noyade et Joachim Montessuis) dimanche 20 juillet à 20h30, Péniche Gavroche, 6, quai de la Seine, Paris. 12 euros. Accès : métro ligne 2 ou 5, arrêt Jaurès, Stalingrad.
Texte Adrien Pollin ; photos : Julie Crenn/MU ; vidéo : Benoît Méry, Sybil Montet, Clémence Reliat (son)
« BO deuxième épisode, les oreilles en goguette «Tout va bien madame, c’est de la musique expérimentale» »