Dernier parcours sonore entre les tours du 19e, écoutes moelleuses au Pavillon des canaux, siestes musicales sur le canal : c’était la dolce vita pour l’avant-dernier week-end de Bande Originale. Mais c’est surtout dans l’antre du Trabendo que les adeptes ont été les plus nombreux.
Alors que les parasols flashy et les cabines deauvilliennes ont envahi les quais de Seine et de Loire dans le 19e arrondissement de Paris, le son de Bande Originale continue de se faire entendre. Entre deux carrés de pétanque, un arrimage de pédalos et une tyrolienne, le stand du parcours sonore « Luna Park » est discret mais bien présent. On croise donc quelques étranges énergumènes casqués parmi la horde d’autochtones peuplant les quais. Aux créations sonores métaphysiques de Sir Alice se mêlent la rumeur de la foule ou les cris de joie des gamins survoltés sur la piste de danse improvisée de Paris Plage. Fantômes et vivants font bon ménage.
Entre les quais et les barres
Les panneaux fléchés de « Luna Park », aux couleurs de BO, cheminent à travers les hautes barres d’immeubles du 19e, où l’on se surprend à chercher dans les arbres les sifflements d’oiseaux captés par Jean-Philippe Renoult.
« Malheureusement, la pluie a fait manquer le parcours à certains, comme Joachim Montessuis, venu en fin d’après-midi », rapporte David Georges-François, l’un des producteurs de MU, tout à son démêlage de fils de casques audio. N’empêche, en une seule journée (et pas deux, comme lors des précédents week-ends de BO), plus de soixante personnes ont écouté les créations sonores des artistes invités par BO au cours de cette balade audio.
Au parc : un marathon radio
Un peu plus loin et un peu plus tard, c’est au parc de la Villette que nos oreilles en prennent plein la vue. Les radios portatives du Solar Radio Show élaboré par le collectif π-Node squattent la pelouse (avant repli stratégique pour cause d’averse… la météo changeante est décidément une constante de BO).
Difficile cependant d’entendre en continu le marathon radio depuis le parc, alors que sur la bande FM, les lives et les débats autour de la radio numérique terrestre s’enchaînent dans une joyeuse cacophonie. A l’opposé, le rendez-vous proposé par BO au Trabendo en soirée ramène dans les sphères plus traditionnelles de l’écoute musicale — 600 personnes environ se sont pressées devant et dans la salle de concert dont l’effervescence tranche curieusement avec le chantier déserté de la Philharmonie juste en face.
Sous les lampions, les synthés
Après le set en extérieur de Beau Travail, aka Thomas Carteron, également coiffé de la casquette communication de MU, le live de Milan, dont les galères ont semblé rythmer la journée (un pneu crevé, une coupure technique en plein concert) sans les démotiver pour autant, entamait la Plage Mu au Trabendo.
Milan live au Trabendo, le 2 août, extrait :
Puis vint Tristesse Contemporaine et sa dose de tension cold wave.
Face au masque d’âne triste du chanteur Maik, au synthé de Narumi et à la guitare de Léo, la bande de BO n’était pas en reste au premier rang côté enthousiasme. Une soirée délicieusement clôturée, sous les lampions en terrasse, par le DJ-set d’Inferno Toledano.
Tristesse Contemporaine, « I do what I want » live au Trabendo le 2 août :
Un Placard sur le canal
Un peu moins de dix heures plus tard, Le Placard, performance participative orchestrée par Erik Minkkinen (habillé du t-shirt de son groupe Sister Iodine), glisse sur le canal. Tout l’après-midi, le Henry IV se remplit et se désemplit (quelque 200 personnes pointées) au gré des arrêts effectués le long du parcours jusqu’à Bobigny.
Les expérimentateurs préalablement inscrits en ligne (de Ge.ntlemendiablo WPMG à The Imaginary Soundscapes, le principe étant d’occuper la scène pendant trente minutes) se relaient (certains à distance via Internet, telle l’artiste Julia Drouhin), tandis qu’on croise l’imposant bâtiment des Douanes en réhab, des familles en balade, des pêcheurs, des graffeurs, les guinguettes et autres animations de L’Eté du canal.
Le Placard (flottant), péniche Henri IV, le 3 août:
Après-midi bucolique, à l’ambiance un peu particulière : le rapport au son, via les casques mis à disposition sur le pont et à l’intérieur de la péniche, rend l’expérience tout à la fois très collective et très individuelle. Certains font la sieste, s’enduisent de crème solaire, sirotent une bière, tricotent et discutent.
D’autres font une pause au Pavillon des canaux, où l’on peut autant se sustenter qu’écouter les « Histoires vraies » d’Arte Radio, enfoncé dans un moelleux fauteuil, allongé sous la moustiquaire d’une chambre à coucher ou glissé dans la baignoire de la salle de bains. Belle journée de farniente sonore. Au fond, c’est aussi un peu ça Bande Originale : une bonne raison de profiter de l’été parisien.
Texte : Marie Fantozzi ; photos : Jipé Corre (dont photo de une) + Annick Rivoire ; vidéo : Benoît Méry, Sybil Montet et Clémence Reliat (son).
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